Gigondas, le 19 octobre 1998

Monsieur et Cher Client,

Quand vous avez découvert au hasard d’une promenade les chemins «sablonneux» qui cicatrisent le Domaine Les Goubert à Gigondas et que les cigales sous un soleil de plomb vous accompagnaientt de leurs stridents craquètements, vous ne vous doutiez pas qu’elles distillaient un concert symphonique aux milliers de grappes de raisin sagement alignées sur son sol rocailleux.

En effet, parmi elles dominait le premier violon qui offrait aux fruits une caresse musicale pour mieux l’adoucir; il était suivi du ton plus grave de l’alto dont la quinte transmettait aux grains un arôme suave et exaltant; l’accompagnement de la flûte traversière apportait alors grâce aux méandres de son embouchure une explosion d’enthousiasme à laquelle se mêlait la contrebasse quand la mélodie du vin prend des accents martiaux; enfin l’orchestre se déchaînait avec ses rythmiques percussions pour achever de parfaire les bienfaits de tout ce que la terre de Gigondas sait fournir. Ce sont sans doute ces chants écoutés par la vigne et le vin qui animaient l’esprit de Saint-Benoît au VIeme siècle lorsqu’il proclamait :

« Mieux vaut prendre un peu de vin par nécessité que beaucoup d’eau avec avidité ».

Ceci rejoint le plaisir personnel que j’éprouve en faisant de vous un chef d’orchestre, sachant percevoir les sons passionnés et les délicats vibratos de ma Cuvée Florence (dont la mise en vente du millésime 96 est désormais acquise, sans oublier le 95… car « il faut à la vérité le temps de vieillir »), réussissant à intégrer les douces mélopées que vous accorde mon Gigondas « superbe et généreux », et intégrant dans la partition mes appellations « Villages » Sablet et Beaumes de Venise aux édifiantes subtilités. Quant à mon Viognier, il complète avec élégance les infinis bruissements d’une cantate ou d’un andantino.

Fier de l’éblouissement que vous en éprouverez, je vous prie de croire, Monsieur et Cher Client, à l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Jean-Pierre CARTIER